EDITO N°1 - AVRIL 2025
Lettre de synthèse – Séminaire national ACHBPT sur la bipartition hépatique -
Lyon, 25–26 mars 2025
Chers collègues,
Nous tenions à vous remercier chaleureusement pour votre participation active au premier séminaire national de l’ACHBPT dédié à la bipartition hépatique, organisé par le Pr Jean-Yves Mabrut et accueilli par les HCL à Lyon. Avec plus de 85 participants issus des 16 centres de transplantation hépatique adulte et des 4 centres pédiatriques français, cette rencontre a témoigné d’un engagement remarquable en faveur de la relance de ce programme stratégique. La présence conjointe de Mme Marine Jeantet, directrice de l’Agence de la Biomédecine, et de Mr Le Moign, directeur général des HCL, a également marqué un soutien institutionnel fort à cette initiative. La première journée a permis une revue approfondie de la littérature et des données nationales sur la bipartition hépatique. Le Dr Corinne Antoine, pour l’Agence de la Biomédecine, a présenté un état des lieux actualisé de la pratique du split en France. En 2023, 45 foies de donneurs SME ont été partagés, 96 % des bipartitions réalisées étaient pour des transplantations adulte-enfant. Sur une estimation annuelle, environ 230 greffons hépatiques seraient éligibles à une bipartition et 415 receveurs adultes (principalement à MELD bas et morphologie compatible) pourraient théoriquement bénéficier d’un greffon issu de split. Ces données, qui sont à affiner viennent justifier l’intérêt d’une structuration nationale, tout en soulignant la nécessité d’une coordination logistique renforcée. L’enjeu majeur reste aujourd’hui l’utilisation du foie gauche, qui impose une sélection rigoureuse du couple donneur-receveur. Les présentations de Natacha Boulanger (Lyon) et Virginie Fouquet (Paris) ont mis en évidence les excellents résultats obtenus avec les greffons droits issus de split ex situ chez l’adulte (survie greffon >90 % à 1 an malgré une ischémie froide moyenne de 10h) et des foies partagés chez l’enfant (survie >85 % à 5 ans). Toutefois, la morbidité biliaire et artérielle, bien que maîtrisée, incite à maintenir des critères stricts de sélection. Federica Dondero (Clichy) a présenté une revue de la littérature des critères retenus pour la sélection des donneurs dans le cadre d’une bipartition hépatique comprenant : un âge idéalement inférieur à 40 ans (pouvant aller jusqu’à 60 ans dans certaines séries), un IMC < 26 (Europe/Asie) ou < 28 (USA), une stéatose macrovacuolaire < 10 %, des transaminases 0,8 % correspondant aux receveurs de petit gabarit, d’un MELD bas, d’une pression portale maîtrisée et d’un drainage veineux optimisé (segment IV, VCI, veine médiane). L’ensemble de ces paramètres doit être rigoureusement évalué afin d’éviter le risque majeur de syndrome de small for size ou small for flow dans cette situation, complication redoutable pouvant engager le pronostic vital. L’utilisation d’outils de modélisation volumétrique (SLV, PVDR) et de techniques de modulation portale ont été discutés comme leviers majeurs pour sécuriser cette stratégie. La discussion sur les techniques in situ versus ex-situ (X. Muller, E. Salamé, D. Cherqui, C. Chardot) a confirmé que les deux approches sont complémentaires. L'in situ, plus exigeant sur le plan organisationnel, permet une parenchymotomie maîtrisée, une réduction de l’ischémie froide et une meilleure visualisation des structures vasculaires et biliaires. L’ex situ offre quant à lui une plus grande souplesse logistique, en particulier pour les prélèvements multi-organes, mais implique une plus grande complexité technique en aval. La question de la perfusion dynamique (HOPE) a été largement abordée, notamment à travers l’expérience lyonnaise (23 HOPE-splits en 4 ans), démontrant une réduction significative des lésions d’ischémie-reperfusion et une préservation accrue de la viabilité des greffons. Cette technologie semble particulièrement pertinente pour les foies gauches, où la qualité du greffon est critique. Enfin, la journée s’est conclue sur les enjeux d’intégration de la bipartition dans les règles de priorisation et d’allocation des greffons, présentés par C. Antoine et par une brillante synthèse de Daniel Azoulay (Villejuif), auteur de la première série française de bipartition hépatique adulte-adulte publiée en 2001. Le principe de répartition des greffons repose sur un accès à la greffe équitable pour tous les patients inscrits. Dans ce contexte, l’intégration du split implique une adaptation fine, notamment pour éviter de désavantager les receveurs à MELD élevé. L’objectif est de construire une allocation spécifique au foie gauche, avec une liste dédiée, tout en maintenant une répartition nationale pour le foie droit, selon les règles MELD existantes. Cette évolution vise à augmenter le nombre de transplantation tout en garantissant l’équité et la performance du système actuel.
La deuxième journée a été consacrée aux ateliers de travail, en vue de la rédaction de recommandations formalisées d’experts nationales ACHBPT. Les groupes d’experts ont abordé les axes suivants : critères donneurs, stratégies techniques foie droit/gauche et lobe droit/gauche, listes de receveurs, formation des équipes, logistique inter-établissements, et perspectives de recherche (PEPR Treasure). Tous ont convergé vers l’importance d’une structuration collective, basée sur le partage d’expertise, l’équité d’accès aux greffons, et une évaluation prospective des résultats. L’objectif étant de pouvoir présenter ces recommandations lors du Congrès 3CVD lors de la session Transplantation le vendredi 19 septembre 2025.
L’enquête nationale présentée en ouverture (100 % de réponses) a mis en lumière une réelle expertise du split en France mais une expérience encore hétérogène sur le territoire (moins de 5 splits dans la majorité des centres au cours des 5 dernières années), cependant une faisabilité 24h/24 dans la quasi-totalité des structures quelle que soit la technique. Surtout, elle a révélé une forte attente en matière de formation (100 % favorables à un programme national), la diffusion des savoir-faire étant indispensable pour garantir la pérennité et l’équité de l’accès à la bipartition hépatique sur le territoire, une acceptation quasi-générale du foie droit, et une acceptation conditionnelle du foie gauche, sous réserve d’un axe artériel complet et d’un receveur adapté. La réalisation du split par une autre équipe ne semble pas être un frein à condition d’une formation nationale labellisée ACHBPT. Emmanuel Boleslawski (Lille), a ainsi présenté les objectifs de formation et l’intégration des connaissances théoriques de la bipartition hépatique dans le programme pédagogique de l’EFPMO dès cette année.
Ce séminaire marque une étape fondatrice vers la mise en œuvre d’une politique nationale de bipartition hépatique. L’ACHBPT, avec le soutien affirmé de l’Agence de la biomédecine, s’engage à accompagner cette dynamique, en fédérant les équipes autour de règles techniques partagées, d’une coordination logistique renforcée, d’un système d’allocation équitable, et d’un programme ambitieux de formation.
Nous vous remercions pour la richesse des échanges, votre enthousiasme collectif, et comptons sur votre engagement durable pour faire de la bipartition hépatique un levier d’équité, d’efficacité et d’innovation en transplantation. Toutes les présentations sont consultables en ligne sur notre site internet.
Avec nos salutations les plus cordiales,
Astrid Herrero, Secrétaire générale de l’ACHBPT
Jean Yves Mabrut, Président de l’ACHBPT , Pour le comité d’organisation du Séminaire Split – Lyon 2025